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Usufruitiers et nus-propriétaires : répartition des droits de vote

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21/04/2017

Comme tous les autres biens, les parts sociales ou les actions peuvent être démembrées en usufruit d’un côté et nue-propriété de l’autre. Le phénomène est fréquent suite à une succession par exemple, ou à une donation consentie avec réserve d’usufruit. Dans ce cas, deux personnes, l’usufruitier et le nu-propriétaire, ont des droits différents sur les mêmes titres. Parmi ces droits, figure le droit de vote dont les règles de répartition entre nu-propriétaire et usufruitier divergent selon la forme de la société et les stipulations des statuts.

Les règles prévues par la loi

Les règles de répartition du droit de vote entre nu-propriétaire et usufruitier divergent selon la forme de la société.

La loi dispose que tout associé a le droit de participer aux décisions collectives. Elle prévoit aussi que dans les sociétés par actions (sociétés anonymes, sociétés par actions simplifiées, sociétés en commandite par actions), le droit de vote appartient à l’usufruitier dans les assemblées générales ordinaires et au nu-propriétaire dans les assemblées générales extraordinaires. Ainsi, par exemple, l’usufruitier a qualité pour approuver les comptes annuels, tandis que le nu-propriétaire est compétent pour se prononcer sur la modification des statuts.

Dans les autres sociétés (SARL, sociétés en nom collectif, sociétés civiles...), le droit de vote appartient au nu-propriétaire, sauf pour les décisions concernant l’affectation des bénéfices, où il est réservé à l’usufruitier.

À noter : lorsqu’il n’a pas le droit de voter, l’usufruitier doit-il néanmoins être convoqué aux assemblées générales ? La réponse à cette question a été apportée récemment par la Cour de cassation (Cassation civile 3e, 15 septembre 2016, n° 15-15172). En l’espèce, l’usufruitière de parts d’une société civile immobilière (SCI) n’avait pas été convoquée à une assemblée générale qui devait décider de la vente d’un bien immobilier de la SCI (en l’occurrence la maison familiale). L’un des nus-propriétaires (l’un des fils de l’usufruitière) avait alors demandé en justice l’annulation de cette assemblée générale. En vain. Car selon les juges, l’assemblée générale qui a pour objet des décisions collectives autres que celles concernant l’affectation des bénéfices ne saurait être annulée au motif que l’usufruitier des parts sociales n’a pas été convoqué pour y participer.
Pour la Cour de cassation, l’usufruitier de parts sociales n’aurait donc pas la qualité d’associé puisque tout associé a le droit de participer aux décisions collectives... Rendue pour une société civile, cette décision a vocation à s’appliquer également aux sociétés commerciales.

Les aménagements pouvant être apportés par les statuts

Dans certaines limites, les statuts peuvent prévoir une autre répartition du droit de vote que celle prévue par la loi.

Les règles légales de répartition du droit de vote peuvent être aménagées par les statuts, à condition toutefois :
- de ne pas priver l’usufruitier de son droit de percevoir les fruits (c’est-à-dire les dividendes) ;
- et de ne pas porter atteinte au droit du nu-propriétaire de participer, en sa qualité d’associé, aux décisions collectives.

Précision : l’usufruitier perçoit uniquement les bénéfices distribués, les réserves ainsi que les sommes assimilées (primes d’émission et de fusion) revenant au nu-propriétaire dans la mesure où il s’agit de valeurs en capital et non de fruits.

Ainsi, à l’instar des règles applicables aux sociétés par actions, les statuts de sociétés dont le capital est divisé en parts sociales peuvent prévoir que le nu-propriétaire aura le droit de voter dans les assemblées extraordinaires et l’usufruitier dans les assemblées ordinaires. Ce schéma de répartition ne pose pas de difficultés particulières puisque les droits respectifs des deux intéressés sont alors respectés.

De même, les statuts peuvent prévoir que certaines décisions (par exemple, autoriser le gérant à accomplir des actes dépassant les pouvoirs qui lui ont été conférés par les statuts) relèveront du nu-propriétaire, tandis que d’autres (par exemple, l’agrément de nouveaux associés) seront votées par l’usufruitier.

Priver entièrement l’usufruitier de son droit de vote ?

Une question se pose : les statuts peuvent-ils entièrement priver l’usufruitier de son droit de vote au profit du nu-propriétaire ?

On sait que la loi, dans les sociétés par actions, réserve à l’usufruitier le droit de voter les décisions ordinaires et, dans les autres sociétés, les seules décisions concernant l’affectation des bénéfices. Mais elle permet aux statuts d’y déroger. Une clause pourrait donc a priori attribuer au nu-propriétaire le droit de vote dans son ensemble, y compris celui de voter les décisions relatives à l’affectation des bénéfices.

Toutefois, la validité d’une telle clause est loin d’être garantie. En effet, la jurisprudence a considéré que, dans ce cas, l’usufruitier est privé de ses prérogatives essentielles, à savoir le droit d’user du bien et d’en percevoir les fruits, et qu’en conséquence la clause litigieuse doit être annulée.

La prudence commande donc de laisser au moins à l’usufruitier le droit de voter les distributions de dividendes.

Priver entièrement le nu-propriétaire de son droit de vote ?

À l’inverse, les statuts peuvent-ils entièrement priver le nu-propriétaire de son droit de vote au profit de l’usufruitier ?

Là encore, les statuts peuvent aménager la répartition du droit de vote en faveur de l’usufruitier, voire supprimer purement et simplement le droit de vote du nu-propriétaire.

Mais attention, la suppression du droit de vote du nu-propriétaire au profit de l’usufruitier ne doit pas le priver du droit de participer aux décisions collectives. En effet, ce droit étant reconnu à tout associé, le nu-propriétaire, qui a cette qualité, ne peut être exclu des assemblées. Il en résulte que, même lorsqu’il est statutairement dépossédé du droit de vote, il doit être convoqué aux assemblées générales dans lesquelles il ne vote pas et peut s’y faire entendre, avec voix consultative. Et les mêmes documents d’information que ceux fournis à l’usufruitier doivent lui être remis.


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