Le créateur de Mamie Burger, Mamie Bistrot et de la toute nouvelle enseigne thaï Yaai, revient sur son goût d’entreprendre en propre. Entretien avec Matthieu Soliveres, Président du groupe Soli.
Quel a été votre parcours d’entrepreneur ?
Matthieu Soliveres : je suis diplômé d’un BTS en hôtellerie-restauration. Après un passage dans l’industrie agroalimentaire en tant que conseiller culinaire chez Bonduelle Foodservice, puis responsable commercial chez Barilla, j’ai ensuite eu une première expérience de la restauration rapide de qualité en tant que responsable du laboratoire de production de Cojean. Puis, en 2008, à 28 ans, j’ai voulu avoir ma propre affaire et j’ai décidé de me lancer avec une première création de concept ex nihilo : des salad-bars de qualité Soli. Depuis, je suis un entrepreneur récidiviste puisque j’ai lancé, en 2013, un concept de burgers gourmets Mamie Burger et en septembre dernier, un concept de cuisine thaïlandaise Yaai thaï. Je n’ai jamais cessé de me remettre en question et j’ai appris de mes échecs. Ces remises en question m’ont, par exemple, conduit à abandonner mon premier concept Soli et à faire évoluer le business model de Mamie Burger.
Pourquoi avoir renoncé à votre premier concept de salad-bars Soli ?
M. S. : j’ai cumulé, selon moi, plusieurs difficultés. Mon principal problème a été celui du management car j’ai eu à gérer à la fois 3 restaurants trop rapidement. Par ailleurs, j’ai été confronté à un problème de financement au démarrage qui fait que j’ai été contraint sur le choix de l’emplacement qui n’était pas optimal. Enfin, notre concept n’était probablement pas assez différenciant et novateur par rapport aux autres propositions présentes sur le marché. Avec Mamie Burger, j’ai fait attention à ne pas réitérer ces erreurs avec des ouvertures multiples au départ. J’ai attendu que le premier établissement Rue Saint Fiacre soit bien installé avant d’ouvrir le deuxième un an plus tard en avril 2014.
Pourquoi avoir fait évoluer le business model de Mamie Burger ?
M. S. : notre concept était bon, notre produit très apprécié, mais nous avions pris position sur un segment de la restauration rapide, certes très en vogue, mais ultra-concurrentiel avec une déferlante de concepts de burgers premium. Il était donc impératif de nous démarquer en opérant une évolution de notre concept.
Et puis, j’avais toujours eu en tête de faire de la restauration chaude à table au travers d’une chaîne de qualité.
Pour la troisième ouverture rue du Faubourg Montmartre en octobre 2015, nous avons délibérément fait le choix de passer en mode Bistrot. Nous avons donc basculé sur une restauration plus traditionnelle avec service à table : une salle plus confortable, une carte étoffée au niveau du choix des viandes, l’intégration de cocktails avec happy hours… En parallèle, nous avons développé depuis 3 ans notre propre laboratoire de production qui approvisionne nos restaurants en sauces, frites fraîches, purées maison, gratins… ce qui nous permet de bien contrôler la qualité de nos plats dans tous nos restaurants.
Où en est le développement de Mamie ?
M. S. : depuis, nous avons ouvert 3 Mamie Bistrot supplémentaires sur Paris : Faubourg Saint-Denis en 2016, Bonne-Nouvelle en 2017, quartier Montorgueil en avril 2018. Notre concept affiné est désormais éprouvé. Le passage en mode Bistrot nous a permis de doubler notre chiffre d’affaires.
Par ailleurs, avec le restaurant de Bonne- Nouvelle (200 m², 150 places assises), nous savons que nous sommes désormais capables de faire fonctionner des gros emplacements de 200 à 300 m². Nous cherchons 1 à 2 nouvelles affaires pour Mamie en 2019 avant d’envisager ensuite un développement en province (Bordeaux, Lille, Lyon).
Comptez-vous le dupliquer en franchise ?
M. S. : la question n’est pas d’actualité. J’ai régulièrement des demandes mais cela fait 5 ans que je refuse la franchise. Le modèle de la franchise est, selon moi, plus adapté à la restauration rapide. Je pense que c’est difficile de trouver des candidats qui puissent faire de la franchise sur des bistrots de qualité. Je ne veux pas risquer de dégrader notre marque.
Comment est né votre dernier concept Yaai ?
M. S. : la génèse de ce concept provient d’abord de mon envie, présente chez moi depuis longtemps, de me lancer dans la cuisine thaïlandaise.
Ensuite d’une conviction : celle qu’il y avait de la place, sur ce créneau actuellement porteur du thaï en France, pour un concept à mi-chemin entre la street food (comme Bangkok Thaïland) et les restaurants indépendants thaï haut de gamme (comme Bambou). J’ai voulu créer une chaîne thaïe à la fois simple, conviviale, dépaysante et accessible à tous avec un ticket moyen de 17 €. Avec le développement de la restauration livrée qui donne accès chez soi à tous les types de cuisine, il faut que le convive, quand il vient au restaurant, se sente transporté dans un univers le plus dépaysant possible. Enfin, 2 opportunités ont facilité son lancement : la disponibilité d’un local de 150 m² mitoyen à notre restaurant Mamie Bonne-Nouvelle et l’appui financier de la BPI.
Comment faites-vous face à la difficulté de recruter en restauration ?
M. S. : sans mes équipes, je ne peux rien faire. La gestion du personnel est clé dans la réussite d’un restaurant. Bien recruter pour nos restaurants, cela passe d’abord par la mise en place d’une vraie politique d’accompagnement de nos salariés. Il est de notre responsabilité d’accompagner au mieux les nouveaux entrants, de proposer un plan de formation régulier à nos salariés. Bien recruter, c’est aussi recruter suffisamment. La restauration est un métier difficile. Nous sommes ouverts de 7h30 jusqu’à 2h du matin en continu. Nous n’hésitons pas à « surstaffer » nos affaires pour rendre vivable ce métier.
Quelles sont vos prochaines étapes de développement ?
M. S. : à horizon 6 mois, ma priorité est de mieux nous structurer pour assurer un développement solide : travailler les process (notamment l’informatisation des commandes des restaurants), trouver les bons encadrants pour notre siège. Nous venons de recruter notre DAF et nous recherchons actuellement notre DRH et notre directeur des exploitations. En parallèle, je souhaite consolider le développement du réseau Mamie et commencer à dupliquer celui de Yaai. En janvier, notre 2e restaurant Yaai ouvre rue Daguerre et nous envisageons une 3e ouverture courant 2019.
J’envisage ainsi de doubler notre réseau d’ici 5 ans. Et puis, à plus long terme, je n’exclus pas de me lancer dans de nouvelles aventures entrepreneuriales avec des projets en lien avec la cuisine japonaise, la cuisine italienne et même l’hôtellerie.
Fiche d’identité
Dénomination : Groupe Soli
Activités : restauration rapide (2 Mamie Burger), restauration à table (4 Mamie Bistrot, 1 Yaai Thaï)
Chiffre d’affaires 2018 : 7 M€ (+40 % vs 2017)
Effectif : 120 personnes dont 8 au siège