Entrepreneuse dans l’âme, Carine Rouvier a fondé EuropAmiante, une société de désamiantage au succès fulgurant.
Quel est votre parcours qui vous a amené à la tête d’EuropAmiante ?
Carine Rouvier : à l’issue d’un bac en comptabilité, j’ai travaillé dans un cabinet d’expertise comptable qui m’a formé à mon métier. Puis, après quelques années d’intérim qui m’ont beaucoup appris sur le fonctionnement des entreprises, et un poste de comptable dans une entreprise de meubles, j’ai intégré un des plus gros franchisés McDonald’s de France. De manager, je suis passée Directrice administrative et financière.
Et de la restauration, vous êtes passée au secteur du bâtiment ?
C. R. : en 2005, j’ai eu l’opportunité de racheter l’entreprise de maintenance qui intervenait dans nos restaurants, Heres Maintenance Bâtiment. Le gérant partait à la retraite et j’ai repris la société, qui détenait alors 4 salariés, pour 1 € symbolique. Je l’ai fait évoluer vers la rénovation tous corps d’état dans un premier temps, mais en 2008, sur un chantier, j’ai découvert l’activité de désamiantage. Après une nuit passée sur Internet à me renseigner, j’ai décidé d’investir ce secteur, convaincue des opportunités. Nous avons obtenu notre certification fin 2008 et en 2009, j’ai créé la société EuropAmiante. Progressivement, nous avons concentré notre activité sur le désamiantage.
En quoi le désamiantage est une activité très spécifique dans le paysage du BTP ?
C. R. : nous sommes sur une niche sécuritaire. Notre profession est la plus réglementée du secteur du BTP. Nos process se rapprochent de ceux de l’industrie chimique lourde, si ce n’est la difficulté que nos employés sont itinérants et doivent, à chaque fois, s’adapter à un nouveau lieu. Il faut plusieurs mois pour obtenir une certification. Nous avons ensuite des audits réguliers, au siège de l’entreprise et sur les chantiers, de manière inopinée. La réglementation est de plus en plus contraignante et nous demande beaucoup d’investissements pour nous y conformer. Car en quelques minutes, nous pouvons nous voir retirer notre certification et tout perdre.
Tous nos collaborateurs sont également en CDI. La sous-traitance, l’intérim ou les CDD sont interdits dans notre activité.
Comment avez-vous démarré votre activité, en partant de zéro ?
C. R. : nous avons travaillé pendant plusieurs mois pour obtenir la certification. Au départ, nous avons investi dans du matériel et des équipements pour pouvoir réaliser un seul chantier. Les premiers mois, j’ai appris le métier au côté de mes équipes. J’ai travaillé sur les chantiers, manipulé les machines lourdes et les matières dangereuses. Puis, je me suis concentrée sur le développement commercial. En 2009, j’ai répondu à des appels d’offres et nous avons progressivement développé l’activité. Aujourd’hui, nous avons entre 12 et 16 chantiers en permanence et 8 commerciaux sont en charge du développement de l’activité.
Comment a évolué votre entreprise par la suite ?
C. R. : nous avons eu de belles années avec des marges plutôt confortables. Mais la concurrence s’est fortement durcie ces dernières années. Quand j’ai commencé, nous étions moins de 200 désamianteurs sur le marché. Aujourd’hui, nous sommes environ 1 100. De plus en plus d’entreprises passent la certification, attirées par les opportunités de ce marché. Nous faisons également face à des investissements de plus en plus lourds pour répondre à la réglementation. Les investissements demandés sont environ 5 fois supérieurs à ce qu’ils étaient quand nous avons démarré. Du coup, nos marges ont souffert l’année dernière et notre chiffre d’affaires a stagné. Nous avons dû restructurer l’entreprise et nous sommes désormais de nouveau sur les rails.
8 ans après sa création, où en est EuropAmiante aujourd’hui ?
C. R. : nous sommes désormais 98 collaborateurs pour un chiffre d’affaires de 6,8 millions d’euros. Deux des salariés de Heres Maintenance Bâtiment sont toujours à mes côtés ! Nous nous sommes développés uniquement par croissance interne. L’objectif est d’atteindre les 8,2 M€ d’ici la fin de l’année, soit une croissance de 20 %. Et pour l’instant, ce rythme est respecté.
Êtes-vous spécialisé uniquement dans le désamiantage ?
C. R. : le désamiantage représente 95 % de notre activité et la rénovation 5 %. Notre spécificité est d’intervenir en milieu occupé, contrairement aux gros désamianteurs qui interviennent généralement dans des locaux vides. Nous tenons ce savoir-faire de notre activité historique dans la rénovation.
Qui sont vos clients ?
C. R. : les particuliers représentent moins de 6 % de notre activité.
60 % de notre chiffre d’affaires est réalisé avec des clients professionnels, en direct. Nous travaillons beaucoup avec les bailleurs sociaux, par exemple. Nous avons également gagné un important appel d’offres pour le désamiantage des bâtiments rattachés à la préfecture d’Île-de-France. Cela couvre 63 entités au total, une entité représentant, par exemple, tous les commissariats ou tous les musées d’Île-de-France.
Les 34 % restant correspondent à de l’activité en sous-traitance pour des démolisseurs ou des entreprises tous corps d’état.
Et vous intervenez partout en France ?
C. R. : nous avons notre siège social à Meaux (77) et un dépôt à Arras pour la région Nord. Nous intervenons surtout dans ces 2 régions, mais nous avons aussi 2 équipes en grands déplacements, qui interviennent dans l’Est de la France et partout ailleurs. Nous allons également démarrer notre premier chantier à l’international avec le désamiantage de l’ambassade de France à Islamabad au Pakistan.
Avez-vous déjà réfléchi à racheter un concurrent ?
C. R. : je ne cherche pas à faire de la croissance externe à tout prix, mais je suis en veille sur des opportunités qui se présenteraient. Deux fois, je me suis positionnée pour racheter des entreprises de désamiantage en difficultés. Je n’ai pas réussi à remporter les marchés, mais un jour, j’y parviendrai ! L’objectif : étendre notre champ d’action vers la région Lyon-Grenoble et le Nord-Ouest de la France.
Comment envisagez-vous l’avenir de votre entreprise ?
C. R. : il est vrai que le marché n’est pas extensible à l’infini. L’usage de l’amiante a été interdit, en France, le 1er janvier 1997. Nous considérons qu’il y a encore entre 15 et 20 ans de travail pour désamianter tous les bâtiments qui en contiennent.
Nous travaillons dès maintenant à prendre un virage, de manière douce et sereine, afin de préparer l’avenir. Nous avons mis en place des groupes de travail collectifs pour réfléchir à de nouvelles activités qui constitueraient, soit le prolongement de notre cœur de métier, soit une toute autre activité…
Fiche d’identité
Dénomination : EuropAmiante
Activités : désamiantage, dépollution, déconstruction et déplombage
Chiffre d’affaires : 6,8 M€ en 2016
Effectif : 98 collaborateurs