Animé par des valeurs fortes de plaisir au travail, Nicolas Chantry, ex-cadre marketing et jeune entrepreneur de 60 ans, a redynamisé l’activité d’une PME artisanale créée en 1928. Interview d’un patron heureux.
Quel est votre parcours ?
Nicolas Chantry : je suis originaire du Nord, et après une école de commerce, j’ai travaillé longtemps dans la publicité à Lille, dans une agence du groupe BDDP. C’était dans les années 80, dans les belles et grandes années de la publicité. Un superbe souvenir professionnel mais, au bout de 15 ans, j’avais envie de faire autre chose… J’ai souhaité reprendre une petite entreprise, mais cela ne s’est pas fait à ce moment-là. Et je suis arrivé par hasard chez Auchan, comme responsable marketing, mais je n’y étais pas très heureux. J’ai ensuite travaillé 14 ans chez Boulanger, l’enseigne d’électroménager du groupe Mulliez, toujours à Lille, pour m’occuper du marketing. En 2015, suite à un changement de direction générale, j’ai quitté l’entreprise. J’avais alors 55 ans.
Comment est venu le rachat de Stella ?
N. C. : je me suis tout de suite mis en quête d’une petite affaire à reprendre avec une double volonté : une PME de production artisanale, car j’en avais assez des concepts abstraits du marketing, et du plaisir. Après 30 ans de publicité et de grande distribution, j’ai voulu construire un projet professionnel où la dimension plaisir prime complètement. Après l’étude de plusieurs projets, je suis tombé par hasard sur Stella, petite entreprise de production de baby-foots. Et j’ai eu un vrai coup de cœur. Je savais que c’était l’entreprise qu’il me fallait, qu’il y avait quelque chose à faire sur cette belle marque. La cession s’est admirablement bien passée. Et aujourd’hui, je suis le plus heureux des hommes. Je vis un rêve éveillé !
Pouvez-vous nous présenter Stella ?
N. C. : Stella est une vieille dame née à Paris en 1928. Elle a été cédée dans les années 50 à un exploitant de jeu qui a installé la production à Oye-Plage, près de Dunkerque. L’entreprise a connu ses heures de gloire dans les années 50-70, car, à cette époque, il y avait des baby-foots dans tous les cafés de France. Puis, l’activité a décliné avec l’arrivée des flippers et des jeux d’arcade dans les années 80-90. Stella a ensuite installé l’atelier de fabrication à Tourcoing en 1995 et l’a développé via notamment le rachat de Deutscher Meister, une marque allemande mythique de baby-foots. En 2015, au moment où j’ai racheté l’entreprise, Stella fabriquait 800 pièces par an dans un petit atelier. Nous en sommes à 2 000 aujourd’hui.
Comment avez-vous redynamisé l’activité ?
N. C. : nous avons fortement misé sur la personnalisation de nos baby-foots. Mon prédécesseur avait fait de beaux produits, mais produisait en série. Aujourd’hui, ma proposition de valeur sur le marché, c’est un « babyfoot personnalisé à vos couleurs, en 15 jours seulement ». Sur notre site internet, un configurateur permet la personnalisation de nos baby-foots : couleur de la caisse et des pieds, forme des poignées, couleurs des joueurs, inscription d’un logo sur le baby-foot, le tapis de jeu ou le maillot des joueurs… 50 à 60 % de notre offre est aujourd’hui vendue en personnalisation. C’est vraiment une tendance forte. La preuve : tous nos concurrents font maintenant la même chose…
Nous avons également innové sur le marché en lançant des petits baby-foots pour jouer à 2 personnes. Et ce produit a beaucoup de succès. C’est à la fois un bel objet de décoration et un véritable baby-foot qui ne prend pas de place dans les petits intérieurs et les bureaux… Le mini baby-foot nous a ouvert de nouveaux débouchés.
Quelle est votre clientèle ?
N. C. : nos clients sont pour moitié des particuliers et pour moitié des entreprises. Nous vendons à la fois en direct, via notre site internet à 40 %, et via des revendeurs à 60 %. Notre modèle économique et notre stratégie de distribution reposent encore sur nos revendeurs qui présentent physiquement nos produits et qui promeuvent la marque Stella. Car nos consommateurs ont besoin de voir le produit qu’ils achètent. Il n’est d’ailleurs pas rare que des clients de Paris ou de Nantes, par exemple, viennent nous voir à Tourcoing.
Comment se porte votre activité ?
N. C. : nous avons réalisé, en 2019, un chiffre d’affaires de 2,3 M€, en croissance de 8 % par rapport à l’année précédente. En 2017 et 2018, nous avons enregistré des croissances de 30 %. Au cours de l’année 2019, nous avons produit plus de 2 000 baby-foots dans nos ateliers de Tourcoing.
Êtes-vous présents à l’international ?
N. C. : nous réalisons 20 % de notre chiffre d’affaires à l’étranger, essentiellement en Allemagne, aux Pays-Bas et en Belgique. Mais nous avons tout de même quelques livraisons plus exotiques en Australie, en Israël, aux États-Unis ou dans les Émirats arabes unis.
Quels sont vos projets ?
N. C. : nous sommes en plein développement d’une gamme de baby-foots outdoor, spécialement conçus pour résister aux intempéries. Nous avons là un produit d’exception en termes de matériaux. Mais je n’y suis pour rien, c’est mon prédécesseur qui l’a conçu. Ce produit intéresse fortement les États-Unis et de nombreux autres pays dans lesquels nous allons nous développer.
Nous avons également pour projet de créer un championnat de baby-foot à Tourcoing, dont la première édition devrait avoir lieu en juin 2020. Je fais partie de l’association Tourcoing Entreprendre qui est une association de PME qui défendent, au niveau local, l’emploi, le savoir-faire et le redéploiement de la ville de Tourcoing. Nous attendons beaucoup de ce championnat, pour l’entreprise et pour la marque Stella. Mais il s’agit également d’une belle opportunité de participer, à notre niveau, à la revitalisation de la ville.
Allez-vous proposer d’autres produits ?
N. C. : nous allons mettre prochainement sur le marché une offre de billards de petit format, sur le même modèle que nos mini baby-foots. Nous allons, là aussi, rompre avec les codes du marché. Et ce mini billard sera, bien entendu, personnalisable.
Comment envisagez-vous l’avenir ?
N. C. : j’ai eu beaucoup de chance de vivre cette belle histoire. Je ne cherche pas à être le plus gros, je cherche à me faire plaisir et à faire plaisir à mes clients. Et je suis un patron très heureux.
Concernant l’avenir de l’entreprise à plus long terme, j’ai évoqué avec mon fils, qui dirige une agence de publicité à Paris, l’idée de prendre ma suite à la tête de Stella. Et je pense l’avoir convaincu…
Fiche d’identité
Dénomination : Stella
Activités : fabricant et distributeur de baby-foots
Chiffre d’affaires : 2,3 M€ en 2019
Effectif : 14 personnes